Amazonie : un jardin sauvage ou une forêt domestiquée ? Voilà le titre de l’excellent livre que je viens de terminer. Écrit par l’archéologue Stéphen Rostain, spécialiste de l’Amazonie, ce livre m’a passionné et a considérablement modifié la perception que j’avais de cette région mythique. Pour moi, cette région du globe, symbole de la biodiversité, n’avait rien d’un jardin. Il s’agissait d’un écosystème exclusivement sauvage, où l’être humain s’insérait comme n’importe quelle autre espèce. Je voyais les indiens d’Amazonie principalement comme des chasseurs cueilleurs pratiquant un peu d’agriculture sur brûlis, ici ou là…
Cette vision des indiens d’Amazonie est celle que je m’étais faite en regardant des reportages à la télé… C’est sûrement bien insuffisant pour se faire une idée de la réalité, mais n’étant jamais allé en Amérique du Sud, difficile de se faire une opinion autrement. Heureusement, il y a les livres. Celui de Stéphen Rostain m’a interpelé. Il y explique qu’il y a les indiens d’après l’arrivée des européens, ceux que nous connaissons, et surtout, il y a ceux d’avant, que nous ne connaissons pas !
L’Amazonie précolombienne
La rencontre avec les européens a été une catastrophe pour les amérindiens. Le choc microbien les a tué par millions. En effet, les européens ont apporté dans leurs bagages, la grippe, la variole, et quantité d’autres maladies sympathiques , inconnues jusque-là sous ces cieux qu’on imagine pourtant remplis de miasmes terrifiants. Et ensuite, il y a eu les conquêtes, les guerres, les massacres… Les peuples amérindiens se sont effondrés, déstructurés, désorganisés.
L’image que nous avons aujourd’hui des indiens, est basée sur celle de ces peuples déplacés, détruits, aux populations réduites à des peaux de chagrin. Après des années d’études, on commence à avoir une bonne idée de ce qu’était l’Amazonie avant la conquête. Et là, on découvre des choses incroyables.
Des peuples d’agriculteurs et de jardiniers
Les amérindiens d’avant la conquête étaient nombreux. Ils vivaient en villages parfois très grands. Et surtout, ils avaient considérablement modifié leur environnement, depuis des siècles. Dans ces régions noyées sous les pluies tropicales, ils ont construit des buttes énormes pour construire leurs villages, ou cultiver des terres. Les ouvrages, encore visibles aujourd’hui, sont si importants, que seuls des peuples nombreux, structurés et bien organisés ont pu les réaliser. On est loin des tribus de chasseurs cueilleurs. Ils ont détourné des cours d’eau, qu’ils ont parfois redessinés, creusé des canaux, élevé des digues, créé des chemins en hauteur… Des voies de communication importantes existaient à travers toute l’Amazonie, car le commerce (fait de troc) était considérable et bien organisé entre les différentes tribus.
Et surtout, ils ont domestiqué et sélectionné des dizaines de plantes. Autour des villages, le long des voies de communication, ils ont semé, planté, installé des jardins sur des surfaces considérables. Ainsi, les amérindiens sont des acteurs de la biodiversité de la forêt amazonienne.
Jardin sauvage ou forêt domestiquée ?
Contrairement aux européens qui modifient leur environnement en le détruisant sans complexes, les amérindiens ont modifié le leur avec intelligence. Ils ont modifié les paysages pour mieux s’adapter aux conditions très hostiles de l’Amazonie. Mais ils l’ont fait en bonne intelligence avec la nature. Leur action a favorisé la biodiversité, plutôt que de la réduire. Souvent on entend dire que sans les humains, la nature ne s’en porterait que mieux. Il faut rectifier. Sans l’action prédatrice de la civilisation occidentale telle qu’elle est aujourd’hui, la nature ne s’en porterait que mieux. Et ça, ça n’a rien à voir avec les Humains, qui, quand ils le veulent, sont capables de transformer l’enfer en un paradis profitable à toutes les espèces animales et végétales.
J’ai adoré ce livre que je vous recommande. C’est un éloge de l’ingéniosité des amérindiens et des liens qu’ils entretenaient avec leur milieu. Une bonne leçon pour imaginer ce que pourrait être notre avenir si nous nous mettions à travailler en intelligence avec la nature, plutôt que contre la nature.
Laisser un commentaire