Paysage comestible 1

Mélange de légumes et de plantes sauvages, jardin forêt (Le Jardin d’épices)

Le paysage comestible, voilà une expression pleine de promesses qui peut paraître simple dans sa compréhension mais plus énigmatique dans sa réalisation. Aussi, de quoi parle t-on ? C’est quoi un paysage comestible ? Si on regarde la définition de « paysage » dans le Larousse, on a : « étendue spatiale, naturelle ou transformée par l’homme, qui présente une certaine identité visuelle ou fonctionnelle ». Quant à « comestible », c’est ce qui se mange. Si on relie les deux définitions, le paysage comestible est un espace, qui est transformé par l’homme qui va lui donner une identité fonctionnelle, celle de fournir des aliments.

Alors, c’est quoi finalement ?

On pourrait donc dire qu’un potager ou un verger traditionnels sont des paysages comestibles. Cependant, la notion de paysage comestible telle qu’elle se développe depuis quelques années est un tantinet plus complexe. En effet, il s’agit d’une émanation directe de la permaculture. Cette dernière, souvent confondue avec l’agroécologie d’ailleurs, est une méthode de conception et de création d’écosystèmes productifs et résilients. Elle vise à créer des paysages qui permettent à l’homme de produire sa nourriture tout en étant en harmonie avec son environnement.  L’aspect biodiversité est donc fondamental dans la création de ce type de paysage, surtout en cette période d’effondrement du nombre des espèces animales.

Il serait en effet incohérent de n’envisager que des paysages constitués de plantes comestibles sans prendre en compte la biodiversité. Les paysages comestibles sont donc des paysages qui allient biodiversité et production de plantes alimentaires. Le paysage comestible type, c’est le jardin forêt, mais il y en a d’autres…

Créer un massif comestible

Il y a plusieurs cas de figures. Avant d’envisager de gros projets, comme le jardin forêt, on peut commencer par créer un massif comestible (ou une plate bande). Cela permet de se faire la main. Ce qui permet d’appliquer un des principes fondamentaux de la permaculture, « commencer petit et agrandir ensuite ». A la notion de paysages (ou massifs, ou plates-bandes) comestibles, on peut parfaitement (et on doit) lier la notion de gestion différenciée. En effet, selon l’endroit où on veut créer ce type de jardin, on ne va pas procéder de la même façon. Entre un massif en pleine ville, dans un lieu très passant et un jardin à la campagne, on ne va pas avoir la même approche ni les mêmes façons de faire. Il est donc très important de bien déterminer son objectif (massif très fleuri, massif arboré haut, ou bas, petits fruitiers, jardin très soigné, plus naturel, etc.).

Prenons quelques exemples, ce sera plus parlant.

Exemple 1, sur un parking dans un lieu très fréquenté :

Voici une plate bande installée sur le parking d’un magasin Leroy Merlin (celui de Lognes, 77). Proche de l’entrée du magasin, il doit être accueillant, fleuri. Il est en plein soleil, au milieu du parking et quasiment jamais arrosé. On y trouve une grande quantité de plantes comestibles en mélange avec des plantes ornementales qui supportent le sec. Il y a ici des calendulas (fleurs comestibles et médicinales), de la rhubarbe, de la menthe, de la mélisse, du romarin, un olivier, des nigelles, des framboisiers associés à des baies goji, des rosiers et des artichauts (tout juste plantés, on ne les voit pas sur la photo).

Voici un exemple de paysage comestible : de quoi se faire des tisanes, des salades de fruits tout en en proposant des plantes mellifères aux pollinisateurs.

Exemple 2, au Jardin d’épices cette fois :
Toona, noisetier, groseilliers
Figuiers, asters
Bananier, légumes et ornementales

On trouve ici : un Toona sinensis, très ornemental. Ses feuilles sont comestibles (on l’appelle aussi arbre à salades). Il émerge d’un massif de groseilliers à maquereaux (espèce européenne, nourricière et très appréciées des pollinisateurs au printemps). Derrière le toona, un noisetier et un sureau.

Sur la photo du milieu on voit un figuier « Madeleine des 2 saisons ».  Il émerge d’un massif d’asters, très utiles aux pollinisateurs en fin d’été.

Sur la dernière photo, on voit un bananier émergeant d’un massif de légumes et de plantes ornementales. Il y a là des courgettes, des choux rouges, des capucines, des poivrons, de la bourrache (fleurs et feuilles comestibles).

 

Associer les espèces selon son projet

Cardon associé au chénopode bon Henri, une plante sauvage et un légume, tout est comestible ici !

Ce que vous pouvez voir sur les photos précédentes, c’est qu’il y a un grand mélange d’espèces. Il ne faut pas hésiter à associer, mélanger. Plus ce sera dense, moins il y aura d’adventices. Mais pour bien associer, il faut aussi connaître le développement final de chaque plante, pour éviter qu’elles ne se gênent. Il faut aussi prendre en compte les besoins en ensoleillement. Toutes ces plantes vont grandir. Les plus grandes seront au milieu de vos massifs, elles en constitueront la trame. Elles vont diviser votre massif en deux en faisant de l’ombre d’un côté mais pas de l’autre. Il suffira de mettre les plantes qui ont besoin de soleil du côté le mieux exposé. Et de l’autre côté, les plantes qui apprécient l’ombrage.

Projet nature, que des sauvages :

On pourrait n’utiliser que des plantes sauvages, en choisissant celles qui ont le plus d’intérêts culinaires : les consoudes, les lamiers blancs, le lierre terrestre, les plantains, les menthes, la mélisse, l’il des ours, les groseilliers, les cassissiers, les noisetiers, les sureaux… Dans un coin, on pourrait aussi laissé poussé des orties… Toutes ces plantes ont un fort intérêt écologique tout en étant délicieuses. Certaines de ces plantes ont des sélections horticoles très belles, mais qui ont gardé tout leur intérêt écologique (variétés panachées, pourpres…). On choisissant bien, on pourrait presque faire tout comestible, à condition de changer ses pratiques alimentaires.

Projet mixte, plantes sauvages et ornementales et/ou sauvages :

A cette base naturelle, on pourrait facilement associer des plantes ornementales et / ou des légumes. Des rosiers (les pétales de roses sont comestibles, on peut même en faire des confitures et des sirops), des lilas (fleurs comestibles) ;  des blettes multicolores, des tournesols… Dans ce domaine, la limite, c’est votre imagination ! Là aussi, on pourrait faire tout comestible si on voulait.

Crinum powelli (uniquement ornemental) et lierre terrestre (Glechoma hederacea), comestible et utile à la biodiversité.
Projet global, un peu de tout :

Ce type de projet a ma faveur, c’est le plus complet, le plus équilibré (et aussi le plus difficile à réaliser). En effet, et comme je l’ai dit dans l’introduction, il ne serait pas cohérent de faire des projets à vocation strictement alimentaire. Ce serait même assez égoïste, car nous ne vivons pas seuls sur cette planète. Il faut aussi laisser de quoi vivre aux autres espèces animales ! Vous pouvez envisager chacune de vos créations, un massif, un jardin, comme un écosystème. Plus il sera riche et diversifié, plus il sera productif, en biodiversité animale et végétale. Mais il produira aussi des plantes alimentaires, naturelles ou cultivées, des plantes médicinales. C’est difficile à mettre en place, parce que ça oblige à changer de regard. Vous devrez accueillir des plantes sauvages, et même si elles ne vous paraissent pas utiles, elles le sont pour l’écosystème. Il va falloir observer, sélectionner et surtout gérer, pour ne pas se laisser envahir. Il faut trouver l’équilibre.

Pour conclure

Voici trois exemples de projets que vous pourriez avoir. Bien sûr, il peut y en avoir d’autres, avec une multitude de nuances (plus de ceci, moins de cela…). Il pourrait y avoir ornementales/légumes, légumes/plantes sauvages, ornementales /plantes sauvages, prairie comestibles, fruticée, et bien sûr, jardin-forêt.

Pour résumer, le paysage comestible, c’est l’intégration de plantes comestibles (plantes potagères, ornementales comestibles, fruitiers, médicinales, sauvages comestibles) dans un jardin, un massif, une plate-bande. Le pourcentage des comestibles sera variable selon vos projets, mais un conseil, pensez toujours aux autres et laissez une place pour que la biodiversité s’épanouisse. Et dernier conseil : achetez-vous des livres de cuisine !

D’autres articles plus thématiques viendront compléter ce premier article de présentation.

Persicaire « Red dragon », ornementale, associée au comestible : consoude, lierre terrestre, houttouynia, hémérocalle
Rosier (pétales comestibles) et stachys lanata (non comestible mais très apprécié des bourdons), alstroémerias (non comestibles), associés au lamier jaune, au lamier blanc (tous deux comestibles), une chélidoine (médicinale) trouve son chemin, discrètement…

 

Suivre Laurent:

Jardinier passionné ! Ancien maraîcher, animateur et formateur en agroécologie et permaculture depuis bientôt 15 ans, j’interviens de la crèche à la maison de retraite pour vous faire partager ma passion du végétal. Pour en savoir plus, allez dans la rubrique « à propos » sur la page d’accueil.

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