Voici une petite histoire des fruits et des légumes. Je dis petite, mais c’est en fait une longue histoire, une très longue histoire. Elle remonte très loin dans le temps, à l’origine de l’agriculture elle-même. Peut-être même est-elle encore plus lointaine. Les liens des hommes avec les plantes sont profonds. Aujourd’hui, ces liens sont rompus. Mais autrefois, des plantes dépendait la survie. On en prenait soin, on les emportait avec soi, comme un trésor. Du temps des chasseurs cueilleurs, il y avait bien la chasse, mais les plantes assuraient elles aussi une part importante de la ration alimentaire. Et cette part est devenue encore plus importante depuis l’invention de l’agriculture, il y a environ 10 000 ans.
Le blé à la conquête de l’Europe
Tous les historiens et archéologues s’accordent à dire que les céréales que nous cultivons en Europe ont été domestiquées au Moyen Orient (sauf le maïs et le riz). La région est celle du croissant fertile, plus exactement. Les céréales, comme le blé, sont des plantes de steppes. Elles ne poussent pas dans les milieux fermés, forestiers. Or l’Europe, était en ces temps lointains couverte d’une épaisse forêt. De nombreuses vagues migratoires sont parties d’Asie Centrale, vers l’Europe Centrale d’abord, puis toute l’Europe ensuite. Au gré des migrations, les hommes de ces régions steppiques ont emporté avec eux, les précieuses céréales. Pour les cultiver, ils ont du déforester. C’est ainsi que peu à peu, les hommes ont “steppiser” l’Europe en en détruisant les gigantesques forêts. Et c’est ainsi que le blé, l’orge, l’avoine, toutes de la grande famille des graminées, sont devenues la base de l’alimentation. Elles ont conquis l’Europe, apportées dans les bagages de ces très anciens voyageurs. Quant au maïs, il a été rapporté du Mexique par les conquistadors espagnols au 16ème siècle (et mis en culture dès le 17ème siècle). Ainsi, aucune des céréales que nous mangeons, n’est originaire d’Europe.
Notre assiette cosmopolite
Mais il n’y a pas que les céréales qui viennent de loin. Prenons des légumes qu’on associe généralement à la cuisine méditerranéenne. Les courgettes, les tomates, les poivrons, les aubergines… Ces plantes étaient totalement inconnues en Europe avant le 16 ou 17ème siècle. C’est ainsi que tomates, poivrons, piments, courgettes, haricots, pommes de terre, courges, viennent d’Amérique Centrale et du Sud. Quant à l’aubergine, elle vient d’Inde, comme le basilic. La cuisine méditerranéenne n’est originellement pas si méditerranéenne que ça…
Et au niveau des fruits ? La pomme, elle, a accompagné les voyageurs venus d’Asie Centrale. Elle a voyagé avec le blé. Les pommiers sont précisément originaires de ce qu’on appelle aujourd’hui le Kazakhstan. Le poirier, lui, vient d’encore plus loin puisqu’il est originaire de Chine, comme les pêches et tous les agrumes. La cerise douce vient d’Asie mineure, on ne connaissait en Europe que la merise. Tous ces fruits sont arrivés en Europe au gré des mêmes vagues migratoires qui ont apporté les céréales.
Mais alors, qu’est-ce qui vient d’Europe ?
Jusqu’au Moyen Âge, l’assiette des européens devaient être bien triste. Sûrement est-ce une des raisons pour lesquelles on y mettait tant d’épices, histoire de leur donner un peu de d’attrait. Épices qui elles aussi, faisaient de grands voyages pour venir jusqu’aux assiettes de nos ancêtres. On trouvait surtout des fèves, des lentilles, des poireaux, des navets, des blettes, des betteraves, des panais, des salades, des choux. En un mot, avant l’époque des grandes découvertes, on mangeait principalement les plantes qu’on ne mange qu’occasionnellement aujourd’hui, salades mises à part. En effet, choux, navets, poireaux et panais ne constituent plus la base de notre alimentation depuis belle lurette. Et la carotte me direz-vous ? Jusqu’au 17ème siècle, la carotte orange n’existait pas. Elle est le résultat du travail d’horticulteurs hollandais qui ont hybridé des carottes sauvages (pas terribles et fibreuses), avec des carottes colorées originaires… d’Afghanistan ! Vous pouvez vous reportez à l’article sur le sujet, ici.
Quant aux petits fruits rouges, les framboises, groseilles, myrtilles, mûres et cassis, ils viennent bien d’Europe. Et la fraise ? Là aussi, elle est issue du travail des horticulteurs. En Europe, jusqu’à la découverte des Amériques, on ne connaissait que la petite fraise des bois. C’est au Chili qu’on a découvert une grosse fraise, plutôt insipide. Des jardiniers curieux ont eu la bonne idée de la croiser avec les fraises des bois européennes. Ainsi, sont nées nos bonnes grosses fraises savoureuses.
Une histoire qui continue…
A travers cette petite histoire des fruits et des légumes, bien raccourcie quand même, on voit donc que la diversité de notre assiette d’aujourd’hui doit beaucoup aux voyageurs du passé.
Et ce mouvement ne s’est pas fait que dans un sens. Les européens ont aussi dispersé à travers le monde les plantes qu’ils connaissaient. Et sur tous les continents, les hommes ont diversifié leur environnement en y installant de nouvelles plantes. Quand les hommes du passé voyageaient et quittaient des régions devenues hostiles, ils partaient avec dans leurs bagages des graines de ces plantes nourricières, si importantes pour eux. Les grandes migrations ont ensemencé la diversité des hommes, mais aussi la biodiversité des plantes cultivées d’aujourd’hui. Et cette biodiversité ne doit pas disparaître. C’est à nous de nous montrer dignes de nos lointains ancêtres, en préservant ce qui est, et en diversifiant encore plus les plantes de nos jardins. Accueillons donc de nouveaux légumes et de nouveaux fruitiers sans modération !
La petite histoire des fruits et des légumes, une petite histoire qui est loin d’être terminée…
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