C’est la petite histoire de la fraise que je vais vous conter aujourd’hui. En effet, nous ignorons souvent que ce fruit si familier ne fut pas de toute éternité dans nos jardins. Les fraises que vous dégustez avec délice ont une histoire bien mouvementée. Ce qui pousse dans nos vergers et nos potagers, est le symbole de la bougeotte des êtres humains que nous sommes. Car les humains bougent, voyagent, migrent… depuis toujours. Mais comme ils sont curieux, et gourmands, ils observent et adoptent facilement ce qu’ils trouvent à leur goût. Ensuite, ils emportent tout ça dans leurs pérégrinations improbables.
Le fraisier appartient à la famille de rosacées et à la tribu des potentillées. Cette famille des rosacées est très importante pour nous puisqu’elle nous fournit de très nombreux fruits. On pourrait citer par exemple, le pommier, le poirier, l’amandier, l’abricotier, le cerisier, le cognassier, le framboisier, le prunier, le pêcher, qui tous font partie de cette famille prolifique. Et encore, je ne vous ai cité que les arbres, mais il y a aussi de nombreuses herbacées dans la famille, dont le fraisier fait partie. En plus d’être diversifiée, cette famille est aussi très cosmopolite, puisqu’on en trouve des représentants sur tous les continents. Et soit dit en passant, ce sont les abeilles qui les pollinisent… Le genre du fraisier, c’est Fragaria, dont il existe plusieurs espèces. Voilà, les présentations sont faites. Allons maintenant un peu plus dans le détail…
Voyages, voyages… d’abord, l’Amérique du Nord…
La fraise d’aujourd’hui est issue de voyages. En effet, en Europe occidentale, on ne connaissait que la fraise des bois, Fragaria vesca. Les romains et les grecs la connaissaient, mais ils ne la cultivaient pas. Sa véritable culture n’a commencé qu’au Moyen-Âge, avec l’introduction au jardin de stolons sauvages, prélevés dans la nature. Tout le monde connaît la fraise des bois. Elle est délicieuse, mais petite. Tout va changer avec la découverte des Amériques.
A partir du XVI siècle, les navires de Jacques Cartier vont ramener d’Amérique du Nord, la fraise de Virginie, Fragaria virginiana. On l’introduisit dans des jardins en Angleterre. Puis, un érudit du sud de la France, Nicolas-Claude de Fabri de Pereisc (scientifique, botaniste et grand amateur d’art) en reçut quelques pieds, envoyés par un ami. Il les cultiva dans son jardin et les trouva meilleures que les fraises des bois. Il les conseilla au directeur du jardin royal d’Hyères, Joseph Pitton de Tournefort, qui lui-même les amena jusqu’au Jardin des Plantes de Paris.
Voyages, voyages… puis, l’Amérique du sud
Dans le même temps, François-Amédée Frézier (ça ne s’invente pas !), un ingénieur du roi envoyé au Chili pour étudier les moyens de défenses des colonies espagnoles, découvrit le fraisier du Chili, Fragaria chiloensis. Les indiens de cette régions, les Araucans, le cultivaient déjà, bien avant l’arrivée des Européens. Ces fraises avaient une particularité, elles étaient très grosses par rapport aux fraises des bois et aux fraises de Virginie. Elles étaient “grosses comme des noix, parfois comme des œufs de poules” ! François-Amédée Frézier en ramena des pieds à Paris où on les mit en culture au Jardin des Plantes. Des hybridations survinrent bientôt, avec le fraisier de Virginie notamment, ce qui donna naissance à la fraise ananas, Fragaria ananassa. Et c’est de cet heureux événement que naquirent la plupart des variétés de fraises que nous avons aujourd’hui. Les hybridations ne cessèrent plus. Remontantes, non remontantes… Les grosses fraises de nos jardins sont issues de la rencontre entre l’Amérique du Nord, l’Amérique du Sud et l’Europe.
Nous pouvons dire merci à ces voyageurs curieux qui partaient dans des conditions précaires à la découverte de terres lointaines et inconnues. Ils en ramenèrent nombre de végétaux exotiques qui nous régalent aujourd’hui. Et bien ! Les ancêtres des fraisiers de mon jardin ont décidément voyagé plus que moi !
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