Qui n’a pas rêvé de cultiver du curcuma dans son jardin ? D’autant que certains pépiniéristes le présente comme assez rustique, il résisterait selon eux jusqu’à -10 ou -12°C. Hum, hum… qu’en est-il vraiment ? Et bien il se trouve que je cultive cette plante depuis des années. Je commence donc à avoir un bon recul par rapport à sa culture, et c’est ce retour d’expérience que je vais partager avec vous aujourd’hui.
Tout d’abord, soyons précis. L’objet de cet article est le Curcuma longa, le curcuma épice. En aucun cas, il ne sera question ici du curcuma ornemental, le Curcuma alismatifolia. Pourquoi est-ce que je fais cette distinction ? Et bien premièrement parce que le curcuma ornemental se trouve très facilement en jardinerie. Son nom sur l’étiquette “curcuma”, peut facilement amener à le confondre avec le curcuma épice. Deuxièmement, quand on cherche “curcuma” sur le net, de très nombreux articles sur le curcuma épice présente des photos du curcuma ornemental pour illustrer leur propos. Ce qui bien sûr est encore plus trompeur et ne fait qu’indiquer que ceux qui ont écrit l’article ne savent pas faire la différence entre les deux ! Pour dire les choses autrement, ils ne savent donc pas de quoi ils parlent, car le curcuma ornemental n’est pas comestible ! Pour votre santé, il est donc préférable de ne pas les confondre. Allez, on va voir tout ça en détail, c’est parti !
Un peu d’histoire
Le Curcuma longa est une plante herbacée vivace de la famille des zingibéracées, comme le gingembre ou encore le galanga. On est bien d’accord, “vivace” n’est pas synonyme de “rustique”. “Vivace” signifie qu’elle peut vivre plusieurs années, “rustique” signifie, pour notre région, qu’elle a la capacité à résister à nos hivers. Ce curcuma, encore appelé “safran des Indes”, est originaire comme la plupart des autres curcumas d’Asie du sud et du sud est. C’est donc une plante tropicale. On l’utilise depuis des temps immémoriaux autant pour l’alimentation, que pour ses vertus médicinales et tinctoriales. Le nom “curcuma” vient du sanskrit “Kunkuma”. Connu également dans l’antiquité méditerranéenne, son nom latin était “terra merita”. Ce nom fait référence à la couleur et au goût un peu terreux des rhizomes, ainsi qu’à leurs nombreux mérites, médicinaux notamment. Terra merita a donné “terre mérite ” en français au Moyen Âge, terme que les anglais nous ont emprunté et qui est devenu “turmeric”, nom du curcuma en anglais.
Cette épice est une incontournable de la médecine ayurvédique ou de la cuisine indienne. On la cultive aujourd’hui dans de très nombreux pays tropicaux. Alors, et chez nous, on peut la cultiver ou pas ?
La rusticité
Certaines plantes ont des niveaux de rusticité étonnants malgré leurs origines tropicales. J’ai testé le Curcuma longa depuis plus de 15 ans et je peux vous le dire : il n’est pas rustique en Île de France, même quand les hivers sont doux. Même sous couverture et paillage épais, même quand il ne gèle pas à pierre fendre, ses rhizomes pourrissent inexorablement. Pourtant, il semble rustique en Bretagne et dans d’autres régions clémentes du territoire. La conclusion que j’en tire est que le problème vient du sol. En effet, le curcuma a besoin d’une période de repos car dans ses contrées d’origine, il y a une saison sèche. En fin de cycle de végétation, la plante sèche et entre en dormance. Ici, cela arrive en octobre. Sauf que nos hivers ne sont pas secs, mais plutôt bien humides. Dans le sol un peu lourd du jardin, prenant l’humidité par capillarité même avec une couverture bien hermétique, la plante finit par pourrir. Je n’ai pas encore essayé le long du mur de la maison, il faudra que j’essaie. Mais en pleine terre au jardin, c’est niet, ça ne marche pas !
La rusticité annoncée par certains pépiniéristes (-10 à -12°C) semble donc devoir être assortie d’au moins une des deux restrictions suivantes : sol sec en hiver, ou gels plus que légers ! Il faut dire qu’ici, il gèle régulièrement entre -5 et -10°C. Humidité du sol + bons gels = combinaison fatale.
La culture
Pour le cultiver, j’ai donc résolu le problème : je n’essaie même plus en pleine terre, je l’ hiverne en pot. Il passe tout l’hiver à la maison, au sec et au chaud, dans un grand pot, sans une goutte d’eau de tout l’hiver. A partir de mars ou avril, parfois mai, des pousses apparaissent. C’est seulement à partir de là que je recommence à l’arroser. Il m’est arrivé, plein d’impatience, de l’arroser avant que les pousses ne sortent de la terre du pot. Je me disais naïvement que ça avancerait sa levée de dormance, et bien pas du tout ! A chaque fois il a pourri, même à la maison, au chaud. Donc, je le laisse me donner le tempo : pas d’eau avant qu’il ne décide de montrer le bout de son nez. Une fois qu’il démarre, il pousse vite. Dès que les gelées ne sont plus à craindre, à partir de la mi-mai j’en transplante une partie en pleine terre, j’en laisse une autre en pot.
En pleine terre, il lui faut une situation mi ensoleillée. Si c’est trop chaud, il ne pousse quasiment plus. Et surtout, il ne fait pas de rhizomes. Je lui choisi donc un endroit où il a le soleil quelques heures dans la journée. La terre doit être souple et très riche. Avant la plantation je travaille le sol avec du fumier de cheval bien décomposé et du compost. Ensuite, pendant tout l’été, l’eau ne doit pas manquer. Il ne faut pas oublier que chez lui, en période de croissance il y a la mousson ! Même substrat dans la partie laissée en pot. Fin octobre, la plante jaunit. C’est le moment de la déterrer, de récolter les petits rhizomes et de rempoter le reste pour l’hivernage. Souvent, il y a plus de récolte en pot qu’en terre. Pourquoi ? Parce qu’en terre, avec les sécheresses que nous avons maintenant en été, même avec les arrosages il n’est pas évident d’avoir une bonne pousse des rhizomes. En pot, c’est plus facile de maintenir un arrosage régulier.
Récolte et conservation
Concernant les récoltes, elles ne sont jamais exceptionnelles mais il y a eu des années plutôt pas mal. En pleine terre cependant, il m’arrive d’avoir de belles touffes luxuriantes et quasiment rien à récolter en automne. Cela se produit généralement quand on a une sécheresse et plusieurs périodes de canicules dans l’été. Les plantes ne poussent alors quasiment plus à moins d’arrosages démesurés. Nos étés sont désormais bien plus méditerranéens que tropicaux, ce n’est pas idéal pour cette plante qui est bien tropicale. En pot, c’est plus intéressant. Je cultive en amateur pas en professionnel, alors sûrement y aurait-il des moyens d’améliorer la culture pour avoir des récoltes conséquentes, en serre notamment, mais cela reste à prouver. Pour notre consommation familiale, ça suffit amplement. Nous conservons les rhizomes dans du sable un peu humide, sinon, ils ont tendance à sécher. Nous les consommons plutôt en frais. Pour le séchage et obtenir de la poudre, je ne saurai dire ce que ça donne, nous ne l’avons jamais fait.
Conseils : comment être sûr de cultiver le bon curcuma ? C’est simple : ne l’achetez pas en jardinerie, surtout si vous voyez une belle potée en tout en fleurs. Il s’agira à coup sûr du curcuma ornemental. Il est donc préférable de mettre en germination du curcuma épice dont on trouve facilement les rhizomes en magasin bio. Sinon, il faut s’adresser à des pépiniéristes professionnels sur le net et bien choisir “Curcuma longa“. Comment mettre en germination les rhizomes ? Moi, je les mets dans des pots remplis de terreau et j’arrose parcimonieusement. Généralement, ça suffit.
Pour résumer : le curcuma n’est pas compliqué à faire pousser. Il pousse même plutôt bien et donne de jolies touffes bien luxuriantes. Mais pour récolter, c’est une autre affaire et elle n’est pas si simple… c’est en tout cas l’expérience que moi j’en ai. Voilà ce que ça donne en Bretagne : cliquez ici !
Si vous avez une expérience différente de cette culture, n’hésitez pas à partager votre expérience dans les commentaires, que ce soit pour la culture, la récolte, la conservation… J’ai peut-être loupé quelque chose, votre retour d’expérience m’intéresse !
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