Entraide et jardins partagés

Ce qu’il y a de bien dans les jardins partagés, c’est que l’entraide et la coopération sont nécessaires pour que ça fonctionne. Là,  des êtres humains qui ne se connaissent pas toujours doivent collaborer, pour cultiver de manière cohérente et intelligente, et pour partager dans la convivialité et l’équité. S’ils ne le font pas, point de récoltes ! S’il n’y a pas de récoltes, pas de partage, et la convivialité qui va avec fait pschitt… Mais cette entraide, si caractéristique de ce type de jardins, ne se gagne jamais d’avance. Parfois, elle naît spontanément, parfois non, malgré tous les efforts qu’on peut faire. Quelquefois, elle peut aussi disparaître, très vite, et on retourne à la case départ. Que ce soit à la faveur de nouveaux arrivants ou de circonstances extérieures, la pérennité du jardin partagé n’est jamais un acquis, et l’entraide qui va avec, non plus. La tentation peut être grande de cultiver pour soi. Combien de fois l’ai-je entendu : « moi, je préférerais avoir ma parcelle ! »

L’entraide, l’autre loi de la jungle

L’entraide, l’autre loi de la jungle, c’est le titre d’un ouvrage de Gauthier Chapelle et de Pablo Servigne. C’est la lecture de ce livre qui motive cet article, car il m’a permis de comprendre tout un tas de choses. Comme beaucoup, j’ai toujours entendu dire que dans la nature, c’était le loi du plus fort qui s’imposait. Depuis la lecture de Jean-Marie Pelt*, je sais que ce n’est pas toujours le cas. Dans la nature, quand on y regarde bien, symbioses et collaborations sont légions.

Compétition et collaboration

Pourtant, peut-on nier qu’il n’y a pas de compétition ? Non, bien sûr, la compétition existe. Mais ce que ce livre explique très bien, c’est que la compétition a lieu principalement quand les ressources sont abondantes. Quand les conditions changent et deviennent difficiles, alors, ce sont les êtres qui collaborent le plus qui survivent le mieux. C’est valable entre êtres de la même espèce, mais aussi entre espèces différentes. Pour se pérenniser, une espèce a besoin de ses représentants les mieux adaptés, mais elle a aussi besoin des autres espèces. Dans un écosystème, tous les êtres vivants sont interdépendants. Qu’une espèce prolifère trop aux dépens des autres, et c’est tout l’écosystème qui est menacé.

Bon, ça, c’est dans la nature. Mais les humains dans tout ça ? Et les jardins partagés ? J’y viens…

Chez nous, les humains, dans nos sociétés modernes, difficile de le nier, la compétition est érigée en dogme ! On veut que ses enfants soient les meilleurs en classe, on veut être le meilleur commercial de la boîte… On veut que son équipe gagne le match, et malheur au perdant, souvent qualifiés de « nuls ». Combien de fois entend-on employer le mot de « compétitivité » ? Il faut être compétitif, efficace, bon, meilleur que les autres, dans tous les domaines. On est tout le temps en compétition avec les autres, et souvent avec soi-même.

Pause : j’ai jardin partagé  ce soir !

Non, pas piscine, ni jogging, où je vais essayer de battre mon propre record, mais jardin partagé ! Le jardin partagé c’est une belle tentative pour renouer les liens avec une nature lointaine et inconnue pour beaucoup. C’est aussi un début de réappropriation de son alimentation, en redécouvrant la vraie vie de plantes qu’on ne voit souvent que transformées ou emballées. Et non, les pommes de terre ne se cueillent pas sur des arbres comme me l’ont parfois affirmé plusieurs enfants. Sur le jardin partagé, on se reconnecte à la Terre et à ses réalités, mais on se reconnecte aussi aux autres. Dans ce contexte, celui qui veut être le plus fort, c’est celui qui sait tout. Parfois, il sait vraiment. Mais comme il veut être reconnu pour toutes ses connaissances, la tendance est forte de vouloir s’imposer comme le chef et de vouloir diriger les autres, ceux qui ne savent pas… et voilà les problèmes qui commencent ! Pour éviter ça, il faut savoir faire taire son ego… on peut transmettre simplement, gentiment, on n’a pas besoin d’être un chef autoritaire pour ça. Les meilleurs jardins partagés où j’ai pu intervenir et qui fonctionnaient le mieux, étaient ceux où il pouvait y avoir des leaders , mais pas de « chef » autoproclamé. Celui qui veut être le chef, est dans la compétition, et il peut vivre assez mal qu’on le remette en cause, ou qu’arrive une autre personne qui sait… là, la concurrence s’installe…

Les conditions de l’entraide

Le jardin partagé, c’est l’endroit par excellence où l’entraide et la coopération entre des individus très différents peut s’exprimer. Mais cela ne sera possible que si l’objectif du collectif est clairement exprimé et accepté par tous. Ce ne sera possible enfin que si chacun accepte de mettre son ego en sourdine, pour se mettre au service de l’intelligence collective. Alors, la collaboration devient une source de plaisir, à la fois parce qu’elle permet d’être plus efficace, et parce qu’elle permet de rencontrer l’autre et d’apprendre à « faire avec », à « faire ensemble ».

Et si dans notre monde ultra individualiste, obsédé par la compétitivité, les jardins partagés faisaient partie des embryons d’un nouveau vivre ensemble ? D’une société plus juste, plus humaine, mais aussi reconnectée à la nature. Et si ces jardins étaient les bases de nouveaux écosystèmes ? J’ai mon idée sur la réponse, je vous laisse trouver la vôtre…

* La solidarité chez les plantes, les animaux, les humains, Jean-Marie Pelt

 

Suivre Laurent:

Jardinier passionné ! Ancien maraîcher, animateur et formateur en agroécologie et permaculture depuis bientôt 15 ans, j’interviens de la crèche à la maison de retraite pour vous faire partager ma passion du végétal. Pour en savoir plus, allez dans la rubrique « à propos » sur la page d’accueil.

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